Les clés de la coopération
Au début d’un nouveau cours, l’enseignant s’interroge sur la façon d’entrer en relation avec ses apprenants et sur la manière de les amener à s’engager pleinement dans leur apprentissage. De plus, comme chaque groupe est composé de jeunes adultes venant d’horizons différents, il doit s’assurer de respecter la diversité et la singularité de chacun. Voilà un défi pour l’enseignant de devoir, à la fois, créer une nouvelle relation avec le groupe d’apprenant tout en tenant compte des distinctions de chacune de ses personnes avec comme toile de fond sa propre personnalité, son caractère, ses besoins.
Une meilleure connaissance des manières d’interagir en classe s’impose donc pour comprendre les stratégies qui favorisent la mise en place et le maintien d’une relation pédagogique efficace. Nous vous proposons les clés de la coopération pour mettre en place et maintenir une relation pédagogique efficace.
LES CINQ CLÉS SONT:
LE PARTENARIAT, LA CONCERTATION, L’ALTERNANCE DANS LES COMMUNICATIONS, LA NON-INGÉRENCE ET LA RESPONSABILISATION
LA STRATÉGIE DE PARTENARIAT
« JE CRÉE UN PARTENARIAT EN CHERCHANT AVEC MON INTERLOCUTEUR UN OBJECTIF VERS LEQUEL NOS INTÉRÊTS CONVERGENT DE FAÇON À POUVOIR TRAVAILLER ENSEMBLE. »
(ST-ARNAUD 2004)
La première clé concerne le partenariat, c’est-à-dire l’établissement d’un but commun par l’enseignant et ses étudiants. Lorsque ceux-ci s’entendent sur une visée relationnelle ou pédagogique commune, il leur devient plus facile de travailler ensemble et de conserver la motivation.
La mise en place du partenariat
Le partenariat n’est pas présent naturellement au début de la relation entre l’enseignant et ses apprenants. Au départ, la structure relationnelle est soit de « service » soit de « pression ».
Voici une vidéo explicative de la mise en place du partenariat en classe, tirée du site de l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec.
En classe, par exemple, au début du cours, l’enseignant se présente devant un groupe d’étudiants qui se sont inscrits à un cours. La structure peut alors être de « service », si les étudiants s’attendent à recevoir un cours pour lequel ils se sont inscrits. L’enseignant, par ses compétences reconnues par l’établissement d’enseignement, peut offrir ce service à ses étudiants sans faire de mise en commun des intentions de chacun ou des besoins de chacun. Cet enseignant peut décider de changer la structure relationnelle de « service » pour une structure de « pression » où il dictera à ses étudiants leur conduite et la façon d’apprendre. Ainsi sollicités, les étudiants auraient à faire quelque chose qui a été demandé par l’enseignant sans qu’ils aient pu influencer la décision qui est prise de façon unilatérale par l’enseignant. Dans une structure de « pression », l’enseignant ne partage pas son pouvoir avec ses étudiants. Ceux-ci n’ont qu’à écouter et à s’exécuter.
Pour éviter d’être soit en structure de « pression » soit en structure de « service », l’enseignant peut opter pour la « structure de coopération » qui évite le contrôle unilatéral et permet d’exercer un contrôle bilatéral, un partage du pouvoir, un partenariat. Pour y arriver, l’enseignant prend conscience de ses limites et tient compte des personnes devant lui, demande leur avis et le considère. De cette manière, les étudiants peuvent devenir des partenaires, ils participent aux décisions qui les concernent dans les limites de leurs capacités. Il y a alors un partage des ressources et une entente commune sur les rôles et responsabilités de chacun.
Établir une structure de coopération n’est pas simple. Il se révèle bien plus facile de basculer dans une structure de « pression » ou de « service » que de prendre le temps de mettre en commun les attentes et les besoins des étudiants et de s’entendre sur une cible commune. S’il y a absence de cet objectif commun, c’est-à-dire d’une décision prise en commun, chacun agit en fonction de son but personnel. Dans ce cas, les visées peuvent alors être irréalistes pour certains étudiants et les mener vers de la résistance ou de la passivité.
Il semble préférable non seulement d’établir une relation de coopération, ce qui n’est pas simple dans le contexte de la classe où les décisions ont sensiblement toujours été prises par l’enseignant de façon unilatérale, mais il faut aussi penser à maintenir la structure de coopération tout au long de la session.
Par ses gestes et ses interventions, l’enseignant peut choisir de mettre en place la structure de coopération. La structure de coopération s’établit avec la collaboration des apprenants. Ceux-ci sont appelés, par l’enseignant, à donner leur opinion, à discuter, à donner leur accord, tout au long du processus dans une approche démocratique. Ils ont alors leur mot à dire quant au processus mis en place par l’enseignant. Celui-ci devient un facilitateur qui favorise leur participation, ainsi que le partage du pouvoir, vers l’atteinte d’un objectif commun qui sera déterminé par l’ensemble du groupe, incluant l’enseignant. Un rapport s’établit à l’échelle du groupe, ce qui facilite la création d’un climat d’apprentissage favorable aux échanges et à un dialogue pédagogique sur les façons d’arriver ensemble à l’atteinte de l’objectif commun.
Voici une vidéo explicative sur l’utilisation du préambule relationnel, tirée du site de l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec.
Prendre le temps au début d’un cours
Mise en place du partenariat de différentes façons :
- Présenter le plan de la leçon, le but de la rencontre, discuter avec les étudiants du thème, de la méthode, etc.
- Vérifier la compréhension de chacun
- Établir ensemble les rôles et responsabilités, le mode de fonctionnement pour la session (les tâches, les attentes, etc.)
Se questionner : est-ce que le but visé et les modalités de fonctionnement de la session sont les mêmes pour moi que pour mes étudiantes et étudiants?
Chercher et désigner un but commun
La clé du partenariat se définit par l’entente sur un but commun qui est l’élément de départ de la coopération. Le partenariat n’est jamais présent au début de l’interaction et tant que l’objectif n’est pas commun, le partenariat ne peut s’installer. Il faut donc prendre le temps de s’entendre et de désigner cet objectif, en considérant que chacun doit y voir son intérêt. On s’assure ensuite que les deux parties acceptent d’y contribuer.
Ces étapes prennes en moyenne 5 à 10 minutes en début d’interaction et permettent de valider que le résultat visé est le même pour les deux parties. On traite les divergences d’intérêt s’il y a lieu, afin de modifier l’objectif proposé pour qu’il devienne commun.
Précaution
Le cours ne commence pas tant que l’entente et les modalités ne sont pas comprises par tous! Une particularité de cette approche relationnelle de coopération est l’importance de s’entendre sur le but commun et sur les modalités de fonctionnement avant de commencer le cours. Au début, cette approche peut paraître longue, mais avec l’expérience, les ententes se prennent rapidement. Ainsi, les règles du jeu sont claires pour tous et en tout temps. Résultat? Le partenariat est présent.
Pourquoi s’intéresser à la stratégie relationnelle du partenariat en classe?
Pour répondre aux difficultés relationnelles :
- Absences fréquentes
- Bavardage, retards
- Taux d’abandon
- Étudiant qui dort en classe
- Étudiant qui ne participe pas
- Utilisation excessive du cellulaire par les étudiants

Comment la stratégie relationnelle de partenariat facilite la vie du personnel enseignant en classe?
En permettant aux étudiants :
- de faire des choix et de s’y engager
- de développer des interactions positives entre eux
- d’être présentes toute la session
- d’avoir le goût de revenir après la pause
- de discuter de ce qu’ils ont appris
- d’être fiers d’eux
Règle du partenariat
Chercher et désigner un objectif commun! Les questions que l’enseignant doit se poser sont :
- Est-ce que je m’assure que le but visé est le même pour moi et mon interlocuteur?
- Est-ce que je contribue à définir les champs de compétence?
- Est-ce que je n’hésite pas à traiter des divergences d’intérêt, le cas échéant?
LA STRATÉGIE DE CONCERTATION, gérer le processus de communication
« Tout au long de la rencontre, une partie de mon attention s’assure qu’à chaque instant du dialogue nous poursuivons une cible commune »
(St-Arnaud 2003)
La deuxième clé est la concertation. En cours d’interaction, il faudra veiller à maintenir la coopération vers le but commun établi au partenariat. La tendance à s’éloigner de cet objectif et à retomber en relation de pression ou de service sera forte. Une gestion vigilante de déroulement de la relation vers le résultat souhaité permet d’éviter les obstacles qui conduiraient directement à des situations difficiles (dialogues de sourds, affrontement, position qui se durcit) ainsi qu’à des réactions de résistance et de passivité. Ces indices démontrent que la relation n’est plus en coopération. La clé de la concertation propose un processus et des stratégies pour favoriser le maintien de la coopération. Cette gestion du processus demande d’utiliser toutes les clés de la coopération (5) et tous les outils qui aident l’autorégulation selon les besoins de la communication. À chaque étape du dialogue, on doit constamment se demander si l’on poursuit le même objectif et s’assurer qu’on demeure ensemble dans la relation.
Stratégies de concertation pour maintenir le partenariat
La concertation est particulièrement utile pour :
– Rester en structure de coopération et ne pas glisser vers des structures de pression ou de service
– Prévenir ou résoudre :
- la résistance
- la passivité
- l’indiscipline
- le bavardage
Tout au long de la rencontre, en classe, une partie de l’attention de l’enseignant est axée sur le processus :
Entrée : l’enseignant prend le temps de préparer le terrain par une entrée (toc toc) ou il associe le groupe d’étudiants à la structure de la rencontre. Selon St-Arnaud (2003 : 124), le « toc, toc »
« Par analogie avec le bruit que fait celui qui toque à la porte. Le toc, toc prend parfois la forme d’une demande d’accès : il consiste à solliciter la permission d’entrer dans l’univers de l’interlocuteur. »
En cours d’action : l’enseignant s’assure qu’à tout moment, ses apprenants et lui-même poursuivent une cible commune, il fait le point de temps en temps.
Clôture : l’enseignant veille à ce que l’interaction se termine de bonne manière, par un bilan ou une suite à donner à la prochaine rencontre.
Il se demande :
– La perception de la situation a-t-elle été formulée ou recadrée à la satisfaction de tous?
– Est-ce que je n’hésite pas à traiter des divergences d’intérêt, le cas échéant?
– Est-ce que j’utilise des comme « ensemble », « nous »?
– La façon de travailler et les responsabilités de chacun ont-elles été décrites à la satisfaction de tous? Faut-il y revenir?
– Est-ce que je contribue à définir les champs de compétence de chacun?
– L’objectif de l’interaction a-t-il été formulé à la satisfaction de tous? Faut-il y revenir?
Il ne discute pas du contenu avant d’avoir structuré la rencontre.
Les 3 étapes de la concertation; se poser les bonnes questions
1 – Faire un état de la situation
- Quelles sont leurs représentations de la situation?
- Quelles sont leurs préoccupations ou leurs attentes?
- Est-ce que toutes les personnes ou la majorité a pu s’exprimer?
2 – S’accorder sur la cible à atteindre
- À quoi chacun s’attend-il?
- Y a-t-il un but commun de travail? (choix à faire pour une vision à court ou long terme)
3 – S’entendre sur la façon de travailler
- Comment chacun veut-il procéder?
- Quelles sont les ressources que chacun est prêt à mobiliser?
- Qui fait quoi, de quelle façon?
Quand y revenir?
Revenir à l’une ou l’autre de ces questions lorsque la résistance s’exprime. Dès qu’un léger malaise apparaît, car résistance = préoccupation. Traiter les préoccupations et Écouter et Questionner.
Quand la situation devient délicate et que l’on veut exprimer des commentaires qui pourraient déplaire.
Quand on sent un malaise (rouge), ne pas hésiter de tout arrêter pour traiter la situation (la relation), et pour revenir sur la structure établie, questionner :
– la vision commune du problème (l’état de situation, le quoi),
– l’accord final attendu (cible, le pourquoi, le sens) et
– la façon de travailler (le comment)
L’ALTERNANCE DANS LES COMMUNICATIONS
« J’utilise des canaux de communication différents pour la Réception, Facilitation, Entretien de relation et l’Information sur le contenu. Je passe souvent d’un canal à l’autre. »
(St-Arnaud, 2003)
La troisième clé est l’alternance dans les communications. Pour maintenir la coopération, la personne enseignante à tout intérêt à utiliser les 4 canaux de communication en alternance tout au long de la relation.
Voici une vidéo explicative de la stratégie de l’alternance dans les communications, tirée du site de l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec.
– Er : Entretien de la relation
Le canal de l’entretien de la relation est utilisé pour structurer la relation, par exemple pour formuler un but commun, pour revenir sur la situation initiale ou pour préciser les champs de compétences respectifs. L’enseignant discute du processus, de la manière de faire l’activité. Il établis un mode de fonctionnement, un partenariat. Il raconte une anecdote, parle de la pluie et du beau temps.
– Ic : Information sur le contenu
Le canal d’information sur le contenu est utilisé, par exemple, lorsque l’enseignant aborde le contenu du cours. L’enseignant parle de la matière à enseigner, il expose une notion. il donne l’information, explique le contenu.
– F : Facilitation
Le canal de facilitation est ouvert lorsque l’enseignant dit quelque chose pour permettre aux étudiants de donner des renseignements. L’enseignant les invite à s’exprimer. Il questionne pour faciliter l’accès à l’information.
– R : Réception
Le canal de réception est ouvert quand l’enseignant demeure silencieux et très attentif à ce qui se dit et concentré sur ses étudiants. L’enseignant écoute et attend la réponse. Il observe et s’imprègne de que les étudiants vivent au moment présent.
LA STRATÉGIE DE NON-INGÉRENCE
« Lorsque je vise à effectuer un changement, je reconnais les limites de mon pouvoir, puis j’utilise celui-ci sans interférer avec celui de mon interlocuteur; j’évite l’ingérence et la complicité avec l’ingérence pour encourager les choix personnels. » (St-Arnaud 2003)
PRENDRE SA PLACE, TOUTE SA PLACE ET RIEN QUE SA PLACE!
La non-ingérence est la quatrième clé qui invite l’enseignant à reconnaître d’abord le pouvoir qu’il exerce, ensuite celui qui appartient à l’autre, à bien formuler l’action souhaitée et à demeurer vigilant pour éviter l’ingérence. L’enseignant évite l’ingérence et la complicité avec l’ingérence afin que l’apprenant puisse effectuer des choix personnels.
Les indices de non-ingérence
- on ne relève pas de jugement de valeur, d’expertise ou de directives concernant ce qui a trait au champ de compétence de l’apprenant, particulièrement de son vécu.
- on refuse de répondre aux questions qui invitent à l’ingérence.
- si nécessaire, on rappelle quel est son champ de compétence et on exige qu’il soit respecté.
- iI y a recherche de consensus lorsqu’on se trouve dans un champ de compétence partagé.
- on n’observe aucun élément susceptible d’encourager l’apprenant à se livrer à de l’ingérence.
L’enseignant est un agent de changement. Son rôle est d’amener ses étudiants à apprendre. Il peut le faire en décidant de tout lui-même ou en faisant participer ses étudiants à ce processus, en leur permettant de prendre part à l’élaboration de la démarche d’apprentissage. L’enseignant est quand même le maître dans la classe, mais il a le choix du type d’influence qu’il désire exercer. Dans une structure de coopération, il agira de manière à rendre responsables et autonomes les étudiants concernant les choix qu’ils auront à faire en cours de session pour la réussite de leurs études.
La préparation de la leçon devient un outil privilégié pour structurer à l’avance ses manières d’agir en classe. Une solide préparation permet à l’enseignant d’arriver à jongler avec le réel de la classe pour amener son groupe vers une structure relationnelle de coopération. En fait, la planification est un plan virtuel en vue de l’action future en classe, mais dans la réalité, ce qui se produit en classe est toujours unique, puisque les dialogues entre l’enseignant et ses étudiants ne sont pas écrits, ni mis en scène. En conséquence, il y a l’étudiant virtuel, celui que l’enseignant s’imagine en faisant sa planification, et l’étudiant réel, celui qui se présente en classe avec sa personnalité, ses intentions, ses besoins. L’enseignant souhaitant favoriser une relation pédagogique de coopération entrera en relation avec des étudiants réels. Le choix des questions pour mieux connaître les étudiants devient un outil essentiel. Ensuite, l’éventail des outils et des stratégies utilisées pour amener les étudiants à faire des choix, à la fois éclairés et pertinents en lien avec le développement de la compétence, doit être bien réfléchi. Le défi pour l’enseignante est de reconnaître les limites de son pouvoir et celui de ses étudiants pour éviter l’ingérence dans les choix que les étudiants doivent faire pour devenir autonomes et responsables.
La notion de non-ingérence fait référence à l’autonomie de l’étudiant, à sa capacité de faire des choix éclairés et à sa capacité de mobiliser ses ressources lorsqu’il y est encouragé.
Les indices d’ingérence
Par convention, on considère qu’il y a un indice d’ingérence uniquement lorsque l’enseignant utilise le canal d’information sur le contenu (Ic) ou le canal d’entretien de la relation (Er). Par définition, les canaux de réception (R) et de facilitation (F) ne peuvent contenir d’ingérence, mais ils peuvent contenir de la complicité avec l’ingérence si on encourage l’interlocuteur à faire lui-même de l’ingérence.
Lorsqu’une personne présente une opinion sur ce que quelqu’un d’autre devrait penser, ressentir, décider ou faire. On éviter cela en définissant les champs de compétence de chacun et en se mettant à l’écoute de particulier.
En enseignement, l’ingérence s’exprime quand un enseignant indique à ses étudiants ce qu’ils devraient penser, ressentir ou accomplir. Pour développer une relation de coopération et pour éviter l’ingérence, il est primordial de bien définir les champs de compétences respectifs, tant ceux de l’enseignant que ceux des étudiants. L’étudiant n’est pas un simple exécutant. Il a des ressources à sa disposition, et l’enseignant est là pour l’aider à en prendre conscience et à les exploiter efficacement.
L’enseignant qui se met à l’écoute de ses étudiants (facteur p) entend ce que ceux-ci ont de particulier à proposer et à développer. La clarification des champs de compétences permet à l’enseignant, d’une part, d’identifier son champ d’expertise spécifique à l’atteinte du but commun et, d’autre part, de préciser les compétences de l’étudiant. La coopération ne sera possible que si l’enseignant tient compte de la compétence de son étudiant pour l’atteinte de l’objectif visé. Par contre, si les deux parties, l’enseignant et ses étudiants, reconnaissent et respectent leurs champs de compétences respectifs, il s’établira une relation où chacun prendra plaisir à influencer l’autre, créant ainsi un champ de compétences partagées. Naîtra alors une vraie relation de coopération efficace, reconnaissant les limites de chacun et les respectant.
Voici une vidéo explicative sur l’importance du respect des compétences de chacun, tirée du site de l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec.
L’ingérence apparaît lorsqu’une des deux parties s’immisce dans le champ de compétences de l’autre. De plus, on pourrait voir apparaître une complicité dans l’ingérence quand une des deux personnes laisse l’autre entrer dans son propre champ de compétences. C’est le cas, par exemple, de l’enseignant qui laisse un étudiant lui dicter ce qui relève de son champ d’expertise. En reconnaissant les champs de compétences respectifs, la relation de coopération prend sa place et elle amène l’autre à faire un choix de façon autonome et à puiser dans les ressources qui lui sont propres. Par contre, en imposant à l’autre sa façon de voir, on n’arrive guère à des résultats concluants, puisque l’autre aura tendance à utiliser son pouvoir personnel pour faire ce qu’il veut, pour résister et même pour se venger. Cette clé de la non-ingérence propose à l’enseignant de déterminer la part de pouvoir qu’il s’attribue et la part qu’il attribue à ses étudiants. Ainsi, cela lui permet de prendre la place qui lui revient sans empiéter sur celle de l’étudiant.
La relation pédagogique de coopération en classe sera possible si les partenaires (l’enseignant et ses étudiants) se concertent dans la poursuite d’un but commun, s’ils se reconnaissent mutuellement un champ de compétence respectif et si chacun est capable d’exercer une influence sur l’autre.
Les formes de pouvoir
Toute situation d’interaction entre l’enseignant et ses étudiants est inédite, c’est-à-dire que chaque occurrence est unique et particulière. Les interactions établies par l’enseignant sont nouvelles à chaque instant et créent un effet immédiat chez les étudiants (action-réaction) et les actions des étudiants ont un effet immédiat aussi chez l’enseignant.
Plusieurs formes de pouvoir sont présentes dans une situation d’interaction professionnelle (St-Arnaud, 2003, p. 167) :
LE POUVOIR D’AUTORITÉ est la possibilité d’agir sur une situation et d’influencer le cours des événements en vertu d’une autorité naturelle (celle des parents) ou reçue par mandat (élection ou nomination légitime).
L’utilisation excessive du pouvoir d’autorité permet rarement de produire l’effet visé sans provoquer des effets secondaires indésirables. Une utilisation abusive du canal d’information sur le contenu : toutes les réparties sont classée Ic. C’est une stratégie fréquente chez un enseignant qui mise sur son pouvoir légitime pour être efficace. Cette dernière conduit souvent à l’inefficacité.
LE POUVOIR D’EXPERT est la possibilité d’agir sur une situation et d’influencer le cours des événements en vertu d’un savoir théorique et d’un savoir faire acquis au cours d’une formation professionnelle ou d’une expérience équivalente.
L’enseignant en formation professionnelle ou technique est engagé au collégial d’abord sur la base de ses compétences disciplinaires, il est en quelque sorte l’expert du contenu qu’il enseigne; il pourrait choisir d’utiliser son pouvoir d’expert et baser sa relation sur cette expertise. Cet enseignant est aussi mandaté par l’établissement pour prendre charge de la responsabilité de la classe; il peut ainsi choisir de reposer sa relation pédagogique sur ce pouvoir d’autorité qui lui est conféré par la direction. Si cet enseignant favorise les approches démocratiques ou de coopération, il peut décider d’utiliser son pouvoir personnel et ses stratégies relationnelles pour établir sa relation pédagogique en utilisant la force de sa personnalité ou son charisme.
LE POUVOIR PERSONNEL est la possibilité d’agir sur une situation et d’influencer le cours des événements en vertu des choix personnes que l’on fait et de sa personnalité.
LA STRATÉGIE DE LA RESPONSABILISATION
« Je nous traite, mon interlocuteur et moi, comme des êtres uniques, capables de faire des choix personnels; j’invite mon interlocuteur à utiliser son pouvoir personnel en faisant des choix éclairés pour tout ce qui relève de sa compétence. » (St-Arnaud 2003)
La responsabilité entre les parties
La cinquième clé, la responsabilisation est complémentaire à la non-ingérence puisqu’elle invite l’enseignant à composer avec les idées et les choix de ses étudiants. Les étudiants ont le droit d’être qui ils sont et l’enseignant aussi peut rester qui il est. C’est le dialogue entre ces deux parties qui permet la clarification des intentions de chacun et le respect mutuel.
Voici une vidéo explicative de la stratégie de la responsabilisation, tirée du site de l’Observatoire de la formation professionnelle du Québec.
La responsabilité des étudiants
Susciter des choix éclairés. Je nous traite, mes apprenants et moi, comme des êtres uniques, capables de faire des choix personnels; j’invite mes apprenants à utiliser leur pouvoir personnel en faisant des choix éclairés pour tout ce qui relève de leur compétence. (adaptation de St-Arnaud, 2003, p. 219).
Cette clé permet à l’enseignant d’aider ses étudiants à faire des choix personnels et à prendre leurs responsabilités d’apprenants. Plus les personnes sont autonomes, plus elles peuvent entrer dans un rapport de coopération. L’enseignant se met alors vraiment à l’écoute de chacun (facteur p) et l’aide à développer son potentiel particulier. Il amène ses étudiants à faire leurs propres choix. Or, faire des choix implique de tenir compte de ses besoins.
St-Arnaud (1995, 2003, 2009) énumère cinq types de besoins qui peuvent être exprimés : les besoins physiques, les besoins de sécurité, les besoins de considération, les besoins de compétence et les besoins de cohérence. L’enseignant est un guide auprès de ses étudiants dans l’identification de leurs besoins.
Cette clé de la responsabilisation est, par contre, difficile à appliquer dans un groupe nombreux d’étudiants. L’enseignant peut s’en inspirer, mais il ne peut pas s’attendre à une réussite à chaque instant. D’ailleurs, tous ces modes d’interactions de coopération proposés sont structurants, mais ne garantissent aucunement le succès relationnel. La réflexion en cours d’action est plutôt difficile à faire pendant une période de cours, tout se passe très vite.
La réussite peut alors dépendre de la capacité de l’enseignant à réfléchir sur son action en cours d’action et à sa capacité de s’ajuster, le cas échéant.
La responsabilisation mutuelle
On évite de formuler des jugements de valeur (ingérence) :
- S’abstenir de formuler des opinions personnelles (reçus comme des blâmes).
- Porter un jugement fondé sur un savoir dont la validité est établie.
- Les Ic reposent inévitablement sur un jugement professionnel.
- Dissocier clairement jugement professionnel du jugement de valeur.
Types de besoin
Les cinq types de besoins :
- Le bien-être : santé, plaisir
- La sécurité : argent, matériel
- La considération : affectifs
- La compétence : action
- La cohérence : connaissance
Indices de la responsabilisation
- Demande d’avis ou de validation dès que l’on traite de ce qui relève du champ de compétence de l’autre.
- Invitation à utiliser son pouvoir personnel : à faire des choix éclairés.
- Tolérance face aux hésitations et aux lenteurs de l’autre ambivalent ou inquiet face au risque de la situation.
En conclusion
L’intention de la clé de la responsabilisation est de respecter, se faire respecter et de susciter des choix éclairés chez les apprenants. Ainsi, la personne enseignant favorise l’autonomie de ses apprenants, elle les laisse faire des choix éclairés et prendre des responsabilités, elle reconnaît les besoins de ses élèves.
Un guide d’entraînement à la mise en place d’une relation de coopération à l’aide de ces cinq clés est disponible pour vous accompagner dans votre apprentissage de la coopération en classe.